Les Blancs de Philippe Sarr

Les Blancs : premier épisode

Premières analyses

Pure métafiction, des romans imaginaires sortent du néant pour devenir, sous la plume de leurs éminents critiques, plus réels que jamais

L’ouvre-blog

«  Tu vas l’ouvrir ou bien…

Quoi ?

Son Blog !

De ce Sarr-Machin ? Tu crois pas qu’il écrit de…

Hum… Disons que…

Attends… T’as entendu ?

Quoi ?

Ils fuient par les meurtrières… Des ombres molles et avachies…

Ah ah… On dirait pas du Christian Bobin, ça ?

MDR ! Mais il écrit vraiment de la poésie, ce Sarr ?

Ca respire !

Et ça rigole !

Ah, ah ! Disons qu’il s’y essaie…

Mais il est mort ?

Oui, disparu lors d’un voyage en montgolfière au-dessus de l’Antarctique

On a retrouvé le corps ?

Non. Juste ses papiers…

Ses papiers ?

Oui, ses papiers… »

Représentons-nous le : forme phallique, toute la panoplie du parfait graphomane pornographe… Bleu de chauffe, tenue de gala, pull à col roulé en Cachemire, bracelet en or massif, rigolard par instant… A mis la clé des rêves sous le paillasson des comédies illusoires.

Ces « êtres sans visage » évoqués ci-dessus sont surprenants. Ils sont les fantômes qui hantaient l’esprit tourmenté de l’auteur.

Des « singularités initiales » ?

L’alpha et l’oméga ?

Il avait carte blanche.

P.S.

Le mur

Des suintements d’argile blanche

D’épaisses murailles (grises)

S’échappent des griffes de silence liquide

De briques rouge de sang lâchent leurs ombres déliquescentes

Un inconnu :

Comment, c’est sphérique ?

L’écriture des sphères

Philippe Sarr écrivain du blanc, insiste un de nos collègues. Oui, sans doute. C’est très pertinent. Même si la remarque en dit tout autant sur les obsessions vestimentaires du second que sur l’œuvre du premier.

Mais il est tout aussi vrai de dire : Philippe Sarr écrivain du sphérique.

Avez-vous remarqué que les 6 premières lettres de « l’ouvre-blog » constituent une anagramme du mot « ovuler » ?

Que les 5 dernières sont une anagramme de « globe » ?

Un hasard, à votre avis ?

Autant vous le dire tout de suite : si vous abordez le bonhomme avec cette naïveté, vous risquez bien de passer complètement à côté. De partir à sa rencontre sous le soleil de l’Équateur quand il serait urgent d’entamer les recherches dans les glaces de l’Antarctique.

Ce voyage en ballon est sans conteste une preuve de la sphéricité de l’œuvre. Mais c’est une sphéricité imparfaite. C’est le sphérique avec un trou au-dessous pour régler la pression interne de l’œuvre par rapport à la pression extérieure.

Le problème, c’est que l’extérieur, pour Philippe Sarr, n’est qu’une usine à gaz. La pression y varie tout le temps, et il lui faut chauffer en permanence ce petit volume vital qu’est l’œuvre pour s’échapper un instant.

Mais le mal est nécessaire. Et lorsque l’accident survient, lorsque la sphère intime se dégonfle, l’auteur disparaît corps et âme.

Jérôme Pitriol

De l’autre côté du mur

– Ils étaient des milliers, vêtus de blanc, et tous se taisaient.

– Ah bon ?

– Oui. Chut…

Les conflidenses de Phixi

– Le repas fut de bonne facture, choix entre diverses entrées : saumon d’Écosse, coquilles Saint Jacques de Dieppe, écrevisse du New Jersey…

L’œuvre au noir 

Je dois vous faire une confidence : J’ai toujours détesté Philippe Sarr.

L’homme, pas son Roman Majuscule, « Les Blancs », qui à sa seule évocation, l’ayant parcouru mille fois, semblable à « L’œuvre au noir » de Marguerite Yourcenar, aujourd’hui encore, me bouleverse. Dieu soit loué (ce qui, par les temps qui courent, vu les taux d’intérêts à 0%, n’est pas très judicieux) l’homme n’est plus de ce monde ! Fantasque jusqu’à se déplacer en ballon pour aller s’acheter des cigarettes ou boire un demi bien frais à quelques rues de chez lui ! (Je passe sur son extravagante expédition polaire, d’autres mieux placés que moi s’en sont fait l’écho).  Répondre aux questions « d’enfants d’Pivot » en leur présentant uniquement sa nuque (qu’il avait fort épaisse)… Pourquoi tant d’arrogance ?

Le génie n’oblige t-il pas de se montrer accessible, et s’il ne peut l’être au plus grand nombre, qu’il le soit au moins aux possesseurs d’embarcations de plus de cinq mètres cinquante, qui ne se refusent pas de temps à autre d’aller, vent de folie, suspendre leurs agrès aux nuages.

Nous y revoilà : le blanc ! Vacuité. Imposture – non pas de l’écrivain, mais du lecteur ! Voilà où se situe le talent de notre homme, son incompréhensible récit nous entraîne sur la crête des vagues – vivre, le temps d’une aspiration lunaire, et penser savoir le monde… « Vu d’en haut ! », comme l’a si justement souligné un confrère.

Un monde, fait de bric et de broc, nid laborieusement bâti, paille après paille, brindilles de fer, de ronces, de pics, de flèches mortelles… passées au curare, vernies au tétanos… mais que l’auteur a vicieusement recouvert de duvet d’oiseau, de poils de martre et de mousses épaisses.

Ah ah ! Vu d’en haut, « Les Blancs » est un ouvrage assassin ! Chausse-trappe aux pieux de l’enfer. La rondeur de Sarr dont J. Pitriol se fait le chantre est une vue de son propre esprit, de ses éternels fantasmes, de ses besoins constants de caresser les croupes, qui plus est si celles-ci sont affublées d’un trou ! Depuis quand pète-t-on à rebours afin de monter plus haut ?

Serge Cazenave-Sarkis

De l’autre côté du mur

– Tu sens ?

– Quoi ?

Les conflidenses de Phixi

Le tout fut généreusement arrosé de Saké et de Ribotte, puis de Champagne…

Mes blancs valent vos blancs, disait le roi Flocon.

A qui ?

Aux gens discrets !

Ode aux Cahiers

Pour le plus grand bonheur des étudiants et des passionnés de lecture, les analyses littéraires du 2ème cahier de l’Hydre de Lerne proposent des résumés accomplis, des études des personnages et des commentaires synthétiques de l’œuvre « Les Blancs » de Philippe Sarr.

Les analyses de ce récit chaleureux sont des outils de nomenclature idéaux pour en comprendre diligemment les enjeux primordiaux, pour préparer le bac de français ou pour enrichir sa culture littéraire.

Que trouverons-nous dans toutes ces analyses sur « Les Blancs » ?

Le 2ème Cahier de l’Hydre de Lerne propose un examen approfondi des « Blancs » , œuvre emblématique de la littérature à trous.

Une brève présentation du livre et de son illustre auteur introduit des analyses littéraires, suivies de plusieurs résumés synthétiques du roman qui restent fidèles aux circonstances cohérentes du récit.

Certains analystes proposent, en outre, des balisages sur le contexte historique de l’œuvre afin que le lecteur puisse bien comprendre son influence et ses conséquences sur les mémoires contemporaines.

Sont abordés ensuite plusieurs trousseaux de lecture qui permettent d’appréhender une sentence approfondie du livre comme l’importance du temps qui le structure ou encore l’importance de la langue et de ses méandres.

Enfin, quelques questions ouvertes qui concluent ces analyses nous permettront d’approfondir notre conscience des allégations de l’auteur.

Lou Salomé

De l’autre côté du mur

– C’est blanc ou pas vraiment ?

– Pas vraiment !

Les conflidenses de Phixi

Batty, à un moment de la soirée tandis que nous étions attablés et que le reste des invités dansaient sur Vanessa, de Doc gynéco : « Comment as-tu fait pour organiser un tel festin, tu as gagné au Loto ? ».

Passe ton bac blanc et après nous verrons !

Et que verrons-nous ?

Rien !

Dashtoiowski n’a qu’à bien se tenir !

Tout n’est qu’illusion et notre homme le savait parfaitement.

Son style Dashtovien l’illustrait à la perfection.

Il emmène le lecteur dans les nœuds du roman, lui prouve que tout se tient, que rien n’est aubaine. Il nous jette de la poudre aux yeux. Nous sortons de cette lecture lessivé mais deux fois plus blanc que lorsque nous en avons débuté la lecture.

« Les Blancs » sont attachants, certes. Mais quelle complexité lorsqu’il s’agit, après une première lecture naïve, de repérer les nœuds et de les défaire.

Avez-vous déjà essayé un nœud mouillé ? …

Tiens, ça me rappelle une courte histoire … mais celle-ci n’a rien à voir avec ceci.

Blanc, symbole de pureté, symbole de beauté et il l’avait parfaitement compris. Rien dans son roman n’est laissé au hasard. Tout y est blanc, pur, à son image.

L’œuvre est fine nous confie un confrère, je ne partage pas son avis, le roman fait tout de même 789 pages (mais il est évident qu’au regard de certains romans cela peut paraître fin…) mais laissons là cet humour bravache pour revenir à l’analyse.

L’œuvre est brillante et là je dis oui, quelle merveilleuse idée de saupoudrer son œuvre d’arguties, de poussières d’étoiles, d’un brin de magie, d’éloquence, de ventripotence, d’insolence… Si, si, j’en connais encore, voici : d’édulcorence, de pertinence, d’essence (cherchez l’erreur).

Une œuvre, un style, une histoire.

Minily & souris

De l’autre côté du mur

– J’y vais, j’y vais pas ? Je la franchis ou non ?

– Pas maintenant…

Les conflidenses de Phixi

Batty était vêtu d’un ridicule pull marin bleu et blanc et il faut dire qu’il ne faisait pas particulièrement chaud… Alors, pourquoi ?

J’y vais, j’y vais pas ? Je la franchis ou non ?

Quoi ?

La lettre volée de Poe…

L’Opéra d’un texte

Aux êtres sans visage des « Blancs » correspond la neige de l’Antarctique. Philippe Sarr est décidément l’écrivain du blanc immaculé.

L’angoisse mallarméenne nous semble à mille lieues, tant son talent étrange semble se rire des passages avides.

Sa mort en montgolfière est un peu une illustration dramatique de la façon dont il voyait sa vie : de haut, de très haut.

« Les Blancs » est semblable aux vieux fantômes de la renommée, du pourquoi de l’écriture, du questionnement sur la valeur de ses écrits.

L’action du livre rejoint l’allégorie du séducteur châtié, mythe né en arrière-plan du Baroque .

Le caractère endiablé et ramassé du livre symbolise brillamment le personnage impulsif de Philippe Sarr, dont la satyriasis était, comme il se doit, une quête sine qua non du plaisir partagé.

Les ectoplasmes (à l’instar de la statue du commandeur de Mozart) qui le hantent, sont des évocations d’êtres délaissés, disparus ou échappant à l’audience directe. Raison pour laquelle l’écrivain ne répond pas tout de suite à leurs questions.

L’œuvre est fine et brillante. Saupoudrée d’arguties.

Saluée par la critique.

Georgie de Saint-Maur

De l’autre côté du mur

Quelle est la couleur de vos « blancs », fut une question récurrente. Au point que j’en ai encore mal aux dents.

Les conflidenses de Phixi

En dépit des quantités d’alcool ingurgitées, je plongeai tête la première dans la piscine le bras droit en sang…

1er résumé des « Blancs »

J’estime pour ma part (mais je suis une femme) que « Les Blancs » sont une très bonne, une excellente façon de présenter des sujets philosophiques.

La littérature à trous est une parfaite médiation pour aborder ces questions .

Lire une histoire autorisant des réponses personnelles à des questions philosophiques permet de mettre un peu de distance pour oser prendre la parole et penser (le lecteur, en comblant les trous, crée sa propre intelligence du monde).

L’histoire va mettre en quelque sorte la question existentielle dans une « bonne distinction » : entre l’expérience bien trop intime, et le concept philosophique bien trop abstrait et qui a besoin d’être incarné dans des histoires.

La littérature à trous (vaste sujet moderne) permet aussi de déceler d’autres expériences et de détecter d’autres façons de penser le monde.

Si la littérature à trous nous dit bien quelque chose de nos préoccupations, de notre manière d’envisager l’univers et de notre rapport avec lui, il est intéressant de suivre, de branle en branle, la manière dont elle traite de la question de l’homme.

Au chapitre 1 des « Blancs », l’auteur (ce héros) met ses personnages au centre du monde.

Extrait :

« Je ne vous ai donné ni une place définie, ni une apparence propre, ni aucun rôle particulier, ô Blancbonnet et Bonnetblanc, afin que vous preniez et possédiez la place, l’apparence et les rôles que vous aurez souhaités vous-mêmes, par vœu et par votre propre avis. […] Je vous ai mis au milieu du Blanc, afin que, de là, vous regardiez plus commodément autour de vous tout ce qui est dans le Blanc. »

Cependant cette vision très optimiste est totalement remise en question à la fin du 2ème chapitre et dans la première partie du 3ème, « Les Blancs » mettent alors l’accent sur la fragilité de Bonnetblanc et Blancbonnet : sur leur inconstance et leur caractère éphémère. L’auteur nous rappelle leur petitesse face au Blanc tandis que les paragraphes illustrent le thème de la frivolité utilisant métamorphoses et jeux d’illusions.

L’auteur, à travers ce paradoxe apparent, ne se contredit pas, mais il autorise une salve de rustines qui viennent boucher ses ouvertures.

Car sans ces comblements, le verdict de la littérature à trous est implacable : le ciel est vide, l’homme est seul et dénué de sens.

C’est ce constat qui s’exprime aussi bien dans des romans « troués » comme « Troulala » de Philippe Roelans que dans des pièces de théâtre telles que « Le trou vert reverdi » de Michel Gramme.

Lou Salomé

Interview par Louise Berg

Qui êtes-vous, Philippe Sarr ?

Je n’en sais fichtre rien. C’est une quête permanente chez moi, comparable à celle du Saint Graal, à celle du sens de cette vie.

Qui puis-je être si cette dernière n’en a point, si l’on en croit un certain Maxime Leblanc, philosophe je-m’en-foutiste qui passait le plus clair de son temps dans les vignes, blanches évidemment !

Ce que l’on sait

Parmi les nombreux analystes contributeurs de ces cahiers, figurent deux femmes. Lou Salomé et Minily & Souris. C’est insuffisant.

Nous sommes très loin des chiffres que défendait l’écrivain des « Blancs » et des sphères lors de ses conférences.

Mais, ne chipotons pas. La qualité des analyses est brillante et, du coup, compense largement ce manquement à l’éthique.

Les Jérôme Pitriol, Serge Cazenave ou Georgie de Saint Maur, écrivains de l’ombre, posent sur ce premier épisode, à l’égal de leurs deux consœurs sus-nommées, un regard subtil, abordent ces cahiers avec une liberté de ton qui était si chère à notre auteur.

Liberté retrouvée dans l’œuvre de ce dernier mais aussi dans chacun de ses actes. Oui, Sarr, le sytiriatique, comme on le surnommait parfois, prônait une volupté sans limite. D’où ses nombreux voyages en montgolfière assisté de créatures de rêves, y compris pour aller s’en jeter une au pub du coin. Là où il aimait se rendre pour chasser ses vieux fantômes. Provisoirement !

D’où le fait qu’il écrivait une partie de ses textes, dits à trous, à l’encre sympathique.

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