Lire et Dé-lire

L’Autre Nom (de Dieu ?)

Alors que je travaillais à mon texte précédent sur la mystique du langage est tombé, le 05 octobre, le nom du Prix Nobel de littérature 2023 : Jon Fosse, oui, dont je n’avais jamais entendu parler mais duquel j’ai depuis l’étrange impression d’avoir habité un temps le pays, le pays imaginaire, la terre de fiction d’une Norvège qui s’esquisse et aussitôt, ou peu après, s’esquive, oui, dans une écriture, la sienne, un livre, celui-ci de 2019 : L’Autre Nom, que j’ai donc lu et dans lequel en tant que lecteur je me suis retrouvé comme un visiteur égaré dans une ville inconnue ou bien connue, mais où, malgré tout, à tout moment, l’on risque de se perdre facilement, comme cela m’arrive d’ailleurs fréquemment à moi aussi, et là dans ce gros livre d’une seule et unique phrase uniquement ponctuée de virgules, parfois de rares points d’interrogation, oui, d’interrogations emportées par le courant et ne donnant jamais lieu à leur suite à une majuscule qui alors inaugurerait une nouvelle phrase, oui, et ponctuée aussi comme je le fais ici de « oui » par-ci par-là, en un flux de conscience, qui est celui d’un peintre du nom de Asle, singulièrement inquiet de son homonyme, bien plus que je le suis moi Lorenzo des sosies de moi que d’autres verraient, ils me le disent parfois, mais que moi je ne suis jamais parvenu à croiser, me reconnaîtrais-je d’ailleurs ? au fond je ne crois pas, tout ce que je sais c’est que ce flux de conscience qui s’écoule là dans cet unique livre qu’à ce jour j’ai lu de Jon Fosse est plus inquiétant que ce que j’avais pu lire dans le passé, chez Joyce, oui, ou chez Virginia Woolf aussi, mais qu’il est plus prenant et d’ailleurs mon pastiche, là, ne va pas heureusement jusqu’au postiche, cependant l’autre nom est bien un autre mon, un autre moi dans le miroir, et oui, un autre oui ou nonmais au nom de quoi ou de qui ? si c’est une autre vie que la sienne, que la mienne aussi, c’est alors un autre mont à gravir, à graver, une autre paroi réfléchissante car mon nom alors est le sien et le sien le mien et un autre pourtant, d’où peut-être l’inquiétude, en fait une inquiétante étrangeté, parce que deux en un seul nom unique, comme deux étendards, « l’un de Jésus-Christ, notre bon et adorable roi ; l’autre du démon, l’ennemi capital du genre humain », pour citer Ignace de Loyola dans la méditation du quatrième jour de ses exercices spirituels, et faisant ainsi je signale l’omniprésence de Dieu tout au long du livre de Jon Fosse, sans savoir, faute à ce jour de traductions en français, ce qu’il se passe à la suite de cet opus I-II annoncé comme une septologie ? laissant ainsi en suspens les opus III-V, dont le titre serait en français Je suis quelqu’un d’autre, et le VI-VII, Un nouveau nom, écrits oui eux aussi en néo-norvégien et pour moi donc illisibles, mais il n’empêche que là, comme en écho à la chute de mon précédent texte, Jon Fosse invente bel et bien, lui, sa propre mystique du langage.

Lorenzo Soccavo

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