Lire et Dé-lire

Dieu chat et souris…

Dans le langage se montre et se cache le chat dont nous sommes les souris.

J’écris dont et non duquel. Je crois que les deux seraient grammaticalement corrects, mais le premier laisse entendre que nous pouvons garder la foi et l’espérance en notre libération et que notre esprit, lui, peut toujours essayer – comme ici – de reformuler la réalité autrement ; tandis que le second, le chat duquel nous sommes les souris, nous ravalerait – ce qui ne serait pas seulement nous rabaisser, mais aussi une manière de nous déglutir, de nous avaler de nouveau, de nous manger quoi –, nous ravalerait donc au rang d’objet, de joujou du chat, voire de nourriture. Cette différence, et ce jeu du chat et de la souris, entraînent alors plusieurs questions.

Ainsi, par exemple, de: « Qui suis-je ? », et, « D’où vient le où je suis ? », ce , là, avec tout son tralala quotidien, découle l’interrogation suivante : pourrions-nous supposer hors de tout temps un lieu virginal du tout-premier commencement, sans chat ni souris, ou bien alors dans une fraternelle liberté et égalité entre les uns et les autres ?

Car alors si tel ce fut un jour ce ne fut apparemment pas sur Terre, et alors il n’y aurait eu là aucun humain. Mais cependant il dut bien y avoir un moment où nous, nous arrivâmes là où nous sommes présentement, sur ce que nous nommons : planète Terre.

Dès lors se pourrait-il donc que seule la fiction narrative puisse dorénavant nous rendre possible la pensée, nostalgique cela va de soi, de cet avant virginal ?

Une autre question que cela (ce où nous sommes sans savoir ni pourquoi ni comment) pose conséquemment est : pourrions-nous définir alors l’âme comme étant simplement (je veux dire : comme étant en toute simplicité) : un espace narratif ?

De manière générale ce serait alors dans l’endroit et/ou l’envers des romans que Ça se passerait peut-être.

Je parle là en partie en termes de topique freudienne. Le Ça y est au fond le romanesque. Ce qui dans l’espace narratif de l’âme se passerait alors serait pour chacune et chacun une interprétation personnelle et fictionnelle, un récit émotionnel fabulé à l’aune de celui de notre espèce animale.

Il faut comprendre que le Ça passe pronominalement, « Ça se passe », car il s’agit bien évidemment d’un d’un Çaréfléchi, psychique, comme il se doit.

Un Ça aussi qui raconte, qui relate, qui met en relation le chat et la souris.

Le langage fut-il alors jadis, dans le lieu virginal précédemment évoqué, la feuille de vigne avec laquelle nous aurions recouvert notre bestialité ?

Il se pourrait qu’au fil des générations humaines nous soyons de plus en plus dégénérés du simple fait que tout cela (ce là, ce ça-là) nous l’avons oublié, ça ne se transmet plus, ça se passe mais ça ne passe plus.

Par exemple, moi, en essayant de m’approcher ou de me rapprocher, comme ci-présentement, par des formulations se voulant, en apparences tout au moins, de plus en plus adéquates à je ne sais quoi au fond qui ne m’aurait pas été transmis, je suis bel et bien (sic) un dé-généré.

Il n’en demeure pas moins que, en tant que lecteur de romans, sur un autre plan donc, et même profane, les personnages de fictions littéraires que je rencontre sont des manifestations du langage tout comme les Anges seraient eux des manifestations du Verbe divin.

Il n’en demeure pas moins également que fuir la réalité dans des mondes fictionnels pourrait au bout d’un certain temps engendrer une reconfiguration mentale qui pourrait peut-être me permettre de… Vous imaginez !

En somme : le géocentrisme des espaces fictionnels en ferait-il de potentiels territoires ?

Comme dé-généré j’aime à être soudain désorienté et comme complètement déboussolé dans un lieu que je connais bien, même si alors le bonheur, ou appelez cela l’illusion si vous voulez, ne dure que quelques secondes. Peut-être s’agit-il seulement de l’écho lointain de ce qui se serait passé là en mon absence, ou le regret de ce qui s’y serait passé si je n’y étais pas. Comment savoir ?

Nous sommes tels, nous autres, que pour nous les mots et les lieux sont liés comme le recto et le verso d’une page.

Que pouvons-nous faire d’autre alors que de donner notre langue au chat, celui qui dans le langage se montre et se cache à la fois.

Lorenzo Soccavo

Une réflexion sur “Dieu chat et souris…

  • Découvert(e) après-coup : « Et maintenant : devant un énoncé de morale kantienne (agis comme si…), un reproche formulé au nom de l’énoncé, même un acte, ou, faute d’acte, un désir, une mauvaise conscience, nous pouvons, loin de vénérer regarder la souris dans les pattes du chat : « Vous vouliez être tout, la supercherie découverte, vous nous servirez de jouet. »… », dans « L’expérience intérieure » de Georges Bataille 😉

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