Miroir, miroir : entretien avec Patrick Boutin par Eric d’Antimo

Illustration de Pascal Dandois

ERIC D’ANTIMO : Je ne vous cache pas que j’ai beaucoup apprécié votre livre, qui va paraître aux éditions BOZON2X : « Miroir, miroir ». Ce recueil de nouvelles brèves commence fort, en nous rappelant, entre autres, que le mot « image » est l’anagramme du mot « magie ». Dans ce double miroir, dans ces jeux déformants, on se laisse porter par toutes sortes d’histoires absurdes, cocasses, surnaturelles.  Si vous étiez un pays, vous seriez la Belgique ? Un citoyen de la Terre d’Absurdie ? Ou bien, viendriez-vous d’ailleurs ? De quel genre d’univers ? Patrick Boutin, where do you come from ?

PATRICK BOUTIN : Bien que résidant à Paris depuis plusieurs décennies, je suis natif du Nord de la France, où il m’a été donné de grandir en découvrant les clefs du royaume secret de Slumberland. Mais la plupart du temps, je suis à l’ouest ! À la lecture de Little Nemo de Winsor McCay, dont j’évoque la découverte au collège dans l’un de mes précédents ouvrages, Papijamijawi, j’ai basculé dans un univers où il me fut accordé l’occasion d’une seconde naissance, à l’instar de Papini : pour moi, il ne s’agissait que d’une conversion — en forme de conversation — aux lois de l’absurde et du dérisoire. J’estime qu’aux littératures de l’imaginaire, l’imagination est préférable ; à la fantasy, la fantaisie. Les rêves qui sont les miens, dormeur éveillé, m’entraînent au royaume du baron de Münchhausen, de Cyrano de Bergerac, des Sélénites. Sans liens avec mes racines, je ne sais pas vraiment d’où je viens, mais je sais où j’aime être : dans la lune ! C’est là qu’il m’est plus facilement offert d’observer la planète de ces Vénusiens que j’affectionne. Je ne tire pourtant aucun plan sur la comète et me laisse porter au gré de mes incartades sur le chemin des écoliers du dilettantisme, sans port d’attache au pays de Morphée. Ne mettant que très peu le nez dehors, je m’observe, sans même être vu de moi-même, à l’aune des choses quotidiennes, de la routine que je privilégie, quidam qui traque dans les miroirs ou les assiettes de soupe la pierre philosophale pour transformer le plomb que l’on a tous dans l’aile et en perdre le fil !

ERIC D’ANTIMO :  On peut trouver de la poésie dans toute chose. Au fond, un miroir n’est pas loin d’un rimoir, voire d’un grimoire

Je suis toujours surpris de constater qu’à partir d’un certain objet chacun peut se faire – selon son point de vue – une interprétation quelquefois surprenante. Mais vous, qu’auriez-vous voulu donner à lire ?

PATRICK BOUTIN : À la vérité, je ne sais pas ce que j’aurais voulu donner à lire. Écrire, ce n’est pas donner, d’ailleurs, c’est prendre, voler, kidnapper la nature de quelqu’un ou d’un objet, d’une situation, pour les transposer et, puisqu’il s’agit de miroir, les regarder bien en face pour se voir dedans, toute réflexion faite, tel un Narcisse spéculaire. J’aime, à partir de la vie de tous les jours, faire glisser mes personnages vers une sorte de « mouroir-mouroir » à la lisière du fantastique où viendrait, sous l’effet de leur dernier souffle, s’embuer notre reflet.

ERIC D’ANTIMO :   Je reviens sur ma question précédente. Vos textes sont riches. Avec une écriture méticuleuse et soignée. On sent une recherche de précision, une fine mécanique des mots. Pour faire un bon plat, il faut de bons ingrédients. Et vous avez de l’imagination et de l’originalité à revendre ! Mais un livre est aussi une auberge espagnole, où chacun trouve – quand l’alchimie fonctionne – ce qu’il pensait (ou pas) venir y chercher. « Miroir, miroir » est savoureux. Si vous étiez un plat culinaire, lequel seriez-vous ?

PATRICK BOUTIN : Des œufs miroir, of course !

Patrick Boutin

ERIC D’ANTIMO : « Miroir, miroir » est à double titre. Un jeu de complémentarité. Que pourriez-vous dire de la complicité entre l’écriture et son illustration ?

PATRICK BOUTIN : Il n’y a pas de complicité entre le texte et l’illustration : ils s’opposent, s’affrontent, pare-choc contre pare-choc, chacun dans son véhicule, pour transporter clandestinement, en franchissant l’étroite frontière qui sépare l’imaginaire de l’auteur et celui de l’illustrateur, tout un stock d’idées illicites. Le dessin est même plus qu’un véhicule, c’est un cheval de Troie épousant dans son ventre la forme des pensées de l’auteur. Ma collaboration avec Pascal Dandois dure de longue date, complémentaire en tout et partageant les mêmes délires. Si complicité il y a, elle est fraternelle d’âme et d’esprit.

ERIC D’ANTIMO : Une toute dernière question pour clôturer cet entretien(un peu intergalactique, mais ça on peut couper au montage). Si vous aviez une question à vous poser, à propos de ce livre, laquelle serait-elle ?

PATRICK BOUTIN : L’ ai-je bien descendu ?, comme disait Cécile Sorel à Mistinguett au pied du grand escalier du Casino de Paris.

ERIC D’ANTIMO
pour BOZON2X éditions


Miroir, miroir
Patrick Boutin
109 pages
ISBN : 978-2-931067-02-4
15 euros
Paru le 21/02/2020

EXTRAIT DISPONIBLE ICI : EXTRAIT MIROIR, MIROIR

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