Le recours au génie
« — Vous n’êtes peut-être pas une lumière, mais vous êtes un faire-valoir de lumière. Certaines personnes complètement dépourvues de génie personnel sont parfois douées du pouvoir de le stimuler… Mon cher ami, je vous dois beaucoup ! »
En y réfléchissant, je pense qu’il ne faut pas fustiger chez l’artiste (le peintre, le sculpteur, l’écrivain, le musicien) cette sensation d’être différent, voire même unique. Il me semble que l’artiste doit avoir une foi inébranlable dans son potentiel. C’est probablement cette foi qui lui permet de créer. S’il doutait de lui, ou se croyait médiocre par rapport aux autres, il ne créerait pas.
Et même lorsque l’ensemble des auditeurs, des spectateurs et des lecteurs le repousse, il pensera certainement que le monde est ingrat et ne sait pas reconnaître son talent. Entendons-nous bien : il DOIT penser cela, sinon son désir de créer risquerait de s’éteindre, pouf, comme une chandelle. Si l’enseignement et l’expérience des autres lui prouvent par A + B qu’il est très difficile de percer dans un métier artistique, qu’il y a beaucoup d’appelés et très peu d’élus, il DOIT penser que cette vérité ne concerne que les autres, mais que pour lui il en ira tout différemment et, si on pouvait s’introduire dans son esprit, on verrait les volutes étoilées sortir de la lampe d’Aladin, car tout créateur a la certitude qu’il a du talent, pour ne pas dire tout simplement du génie.
On notera que cette certitude n’influence pas toujours négativement son comportement et qu’un artiste génial peut en même temps être modeste et d’un commerce agréable.
Il est très possible d’avoir du génie, et il se traduira un jour ou l’autre par le succès.
Parlons plus particulièrement des écrivains (puisque vous êtes nombreux à en faire partie) et des enjeux du génie dans cette discipline particulière.
D’abord est-il vrai qu’ils doivent être incompris de leur génération ? Je n’en suis pas si sûr. Il doit y avoir au moins un noyau de fans, sinon comment s’en souviendrait-on ? Et comment seraient-ils réédités ?
En tout cas, il leur faut exclure résolument la réussite passagère d’une œuvre trop liée à une époque ou tout simplement à la mode, ou encore un succès commercial sans portée concrète.
Mais il faut rester lucide : la faveur persistante accordée à un créateur revêt toujours un caractère d’étrangeté.
Certains écrits possèdent la faculté de continuer à tenter, malgré la saignée du temps, la curiosité humaine.
Cette constance indéfiniment poursuivie de la part du lectorat capricieux peut être attribuée aux cohortes d’esprits littéraires, aux anges et aux archanges poétiques. Mais notons qu’un tel octroi n’apporte guère d’éclairage, puisqu’il tend à décrire une reconnaissance exceptionnelle par une évocation non moins exceptionnelle.
L’individu qui se croit génie est angoissé par la collectivité anonyme qu’est la société moderne, il y a beaucoup de chances qu’il se passionne alors pour la vocation singulière et les destins inaccoutumés. Même si la fortune aveugle le boude, il souhaitera peut-être une pérennité dans la mémoire collective moderne, n’osant plus espérer, tant l’avenir est immense, aucune autre forme d’éternité.
Bigre de bougrasse, voilà que j’ai encore pondu un texte sérieux !
Amateurs de textes rigolos, veuillez accepter toutes mes confuses.
Le mois prochain nous analyserons ensemble « La tortue à la tête de veau ». Vous verrez que ce personnage nous tirera quelques larmes… Mais qu’elles seront vite séchées par le doux sourire du chat du Cheshire.
Allons, bien que je ne sois pas un fan inconditionnel, je terminerai cette folie de mai avec David Bowie et sa chanson Jean genie de 1972 :
“The jean genie lives on his back
The jean genie loves chimney stacks.”
Voilà, pour aujourd’hui, c’est tout les amis.
Mon cher Georgie, tu as bien raison!
Au diable la modestie compassée qui bien souvent se ment à elle-même pour ne pas “décevoir” autrui. Ahahah! (oui, l’homme étant ainsi fait, on ne dispense le “génie” en général qu’avec parcimonie, si possible aux gens loin de notre entourage et morts de préférence).
Le génie est partout. La preuve: même dans l’armée!
Et je voudrais terminer avec deux aphorismes de mon inestimable cru.
“Le génie réside dans la volonté de poser des moustaches aux montagnes.”
” Telle une lampe le sexe de l’homme doit être caressé afin de révéler tout son génie.”
(Extraits des “Texticules du Diable” (Editions du Cactus Inébranlable)
Je pense que l’on est toujours le génie de quelqu’un, voire de quelques uns, mais c’est bien sûr impossible de ml’être pour la terre entière et c’est tant mieux je pense, quand j’entends les gens dire ” lisez ce livre il est gééééééééééééééééénial” ah bon ? qui l’ a écrit ? Marc Lévy …. ok d’accord ok ! on a les génies que l’on mérite, soyez génial, un peu et l’on se souviendra de vous, en tous les cas les meilleurs
le feront.
Lorsque je lis vos textes, je me sens comme une souris ( blanche de préfèrence) de laboratoire, errant dans un labyrinthe, zut de zut j’ai encore raté la sortie, ce doit être là et puis non … enfin j’arrive à trouver le petit espace qui me tend les bras ( c’est ridicule, l’espace n’a pas de bras ) et me voilà, j’ai compris, ouf! j’ai un peu galéré mais en fin de conte ( non il n’y a pas de faute) j’aime ce que j’ai lu et la preuve en est que je ne sais pas expliquer pourquoi, hahaha ( rire niais) Voilà.
Cher Patou, je suis entièrement d’accord avec vous : on est toujours le génie ou le con de quelqu’un. Ainsi moi, par exemple, je vais vous paraître bien illettré, mais j’ignore sincèrement qui est Marc Lévy. Peut-être que c’est « tant mieux pour moi » si j’en crois votre plume.
Ce que je voudrais avant tout, c’est vous remercier de prendre le temps de me lire, d’apprécier et de laisser un commentaire où perce un solide sens de l’humour.
Je suis fier d’avoir pour lecteurs des personnes telles que vous.
De manière tout à fait humble, je viens de faire une grande découverte. Il existe un seul espace de ce style : l’espace 2 c’est bras ~ où tout se reconstruit
Artiste, j’ai fait le choix stratégique et tragique de contourner une voie qui m’était destinée, ce que je regrette bien. On m’a alors demandé de me rendre utile voire devenir indispensable. Avec une injonction pareille dans un domaine inconnu, on s’égare et les repères disparaissent. Accroché à sa barre au milieu d’un océan sans soleil, ni lune, ni étoiles, il faut garder le cap inconnu contre vents et marées, même si un tsunami se profile à l’horizon … Il ne faut jamais abandonner le radeau de survie, la grande roue tourne en permanence et la lumière apparaît toujours – tôt ou tard.
Depuis, j’ai retourné ma veste de sauvetage et ma devise est devenue « nul n’est irremplaçable » ce qui me convient parfaitement.
Constatation personnelle : l’inspiration vient souvent quand on ne s’y attend pas, au moment où une tangente touche le subconscient. Il faut alors directement faire danser sa baguette magique d’artiste (la tangente ?) et laisser courir le flux inspiré sans perdre une seconde sans quoi il est difficile de le rattraper tel quel
Coucou Zaza,
je me rappelle très bien de toi, devant ton chevalet, à peaufiner un autoportrait, ou encore de toi avec une petite couronne de tissu rose, peignant une nature morte couverte de confetti (roses). Tu as tout à fait raison, il faut attraper les idées au vol et leur donner une signification dans le réel suffisante pour être exploitable pour une création.
Hello Georgie,
L’autoportrait OK, par contre la couronne et la nature morte aux confetti rose je ne m’en souviens pas du tout !! Je suis passée tout à l’heure à l’institut St-Luc de manière tout à fait hasardeuse et le fait de me retrouver dans un cadre estudiantin m’a replongé dans cette atmosphère si particulière que j’aimais tant et dont je n’ai pas profité au maximum alors que je le pouvais. Mais quand on a 20 ans et une idée en tête, impossible d’être raisonné … La raison, elle tombe plus tard avec grande force et fracas !!
Si tu veux bien te rappeler, nous avions organisé en 2ème année une journée rose. Tout le monde s’était habillé en rose. On avait placé une pancarte sur la porte : « silence journée rose ». Il y avait un enregistreur qui psalmodiait le mot « rose ». Jean-Pierre Gonthier et Pascal Dumont s’étaient désolidarisés et râlaient parce qu’on avait recouvert la nature morte de confetti roses. Le prof (un type dont j’ai oublié le nom mais qui ne parlait que de ses chiens) était furieux. Belle journée.
La journée rose, en effet, ça me dit quelque chose … mais vraiment très vaguement. Il y a des événements quasiment effacés de ma mémoire, peut-être ai-je eu droit à la colère du Professeur, qui devait être Monsieur Pirotte ou Monsieur Simar ? Evidemment, si les natures mortes étaient en cours, on peut comprendre le mécontentement des auteurs sur les confetti collés à leur travail, en ce qui me concerne j’aimais suivre le mouvement de la bonne humeur insouciante et j’étais certainement solidaire, les confetti rose égayant en tout état de cause l’atmosphère lugubre d’une nature sans vie élevée à la sainteté picturale (Oufff!)
En tout être sommeille un génie et une multitude de génies s’ignorent. Oyez, oyez camarades, réveillons-nous !! Un nouveau big bang génial est en attente fébrile ~~~ Humanité, dépasse-toi !! On peut toujours rêver …
Je suis très content de cet échange d’idées, Zaza. Merci de me lire et de participer avec de beaux commentaires. Je reviens (un tout petit peu) sur l’Académie. Tu sais, si je me souviens si bien de cet “épisode rose”, c’est parce que c’était la semaine où je suis passé en gravure et que nous ne sommes plus vus. Le prof était bien Pirotte. Les confetti ne se trouvaient pas collés sur les toiles des élèves (jamais je n’aurais fait une telle chose) mais saupoudrés su r le modèle. J’imagine qu’avec un bon aspirateur tout est rentré dans l’ordre. A moins que Maria Oliveira (qui trouvait ça génial) n’ait insisté pour peindre la nature morte telle qu’elle était. Je ne sais pas. Je n’étais déjà plus là…
Je suis très touchée de ce que tu écris. Je me souviens que tu étais réactionnaire voire révolutionnaire de l’Aca et tu as changé d’atelier quasi du jour au lendemain. Tu nous as beaucoup manqué, ce sont des souvenirs de vague à l’âme que j’ai sans doute préféré effacer inconsciemment (ou subconsciemment)
Ah oui évidemment les confetti étaient répartis sur le modèle bien entendu je comprends alors d’autant moins la colère de Monsieur Pirotte et la mauvaise humeur de nos deux copains râleurs !! Ils avaient dû passer une mauvaise nuit sans doute … Je me souviens de Maria Oliveira, n’était-elle pas d’origine argentine ou brésilienne je pense ? C’est Laura Parada qui était de Buenos Aires et avec laquelle je m’entendais assez bien. Je l’ai perdue de vue complètement. Sais-tu ce qu’elles sont devenues ? Il a quarante ans de tout cela … Poufffff
Oui, c’était il y a 40 ans. En fait, mes études s’arrêtaient à cause de l’armée (service obligatoire à l’époque) et j’avais préféré passer le peu de temps qu’il me restait à m’initier à la gravure…
Je me souviens très bien de Laura Parada (et de Maria), mais je ne les ai jamais revues. Par contre, je me souviens que tu étais prête à m’héberger quai Godefroid Kurth, pour que je puisse rentrer chaque soir de la caserne. Liège ça allait, mais Seraing c’était trop loin pour le règlement militaire ! ça ne s’est jamais fait, bien sûr, mais je trouvais ce geste tellement gentil.
Les vagues de ma mémoire refont surface et cela se précisent petit à petit … La maison de mes parents comme tu t’en souviens était très grande, des chambres s’étaient libérées – frère et sœur en ménage – et une autre chambre d’ami (donc trois chambres libres !) pouvaient certes t’accueillir mais n’étant ni majeure ni maître des lieux, j’étais très triste et très frustrée que ma proposition n’aie pas abouti car je trouvais cette idée formidable.