Le Bestiaire équitable de Jérôme Pitriol

Le Bestiaire équitable : troisième épisode

Troisièmes analyses

Section 3 : les oiseaux

Cette section rendait un coup de chapeau à plume aux oiseaux des cimes, aux aigles majestueux, vivant d’espace, survolant le monde avec une acuité visuelle hors du commun, mais elle ne niait pas pour autant que le monde appartient au rez-de-chaussée, où la volaille avide abonde, rêve au maïs et tient la basse-cour en délibérant.

Les oiseaux ravageurs y étaient condamnés pour grivèlerie, à des peines très sévères, pouvant aller jusqu’à se faire casser les œufs pour avoir picoré les cerises du verger.

Les oiseaux migrateurs y étaient étroitement surveillés, en particulier à l’approche de la basse-cour, et appréhendés à tout bout de champ, afin de savoir si leurs papiers étaient en règle, avec les numéros des lots bien spécifiés ; et puis d’en exiger quelques explications, de confirmer le caractère douteux de la provenance ou de la destination, et de leur voler dans les plumes le cas échéant.

Les oiseaux sportifs, enfin, y étaient célébrés sans retenue. Sans fausse pudeur. Papiers en règle ou pas. 

Le tapis rouge était même souvent déroulé pour l’occasion. L’autruche, en particulier, faisait l’objet d’une criante et saine vénération, eu égard à son titre de bipède le plus rapide du monde. Voici un extrait enlevé, retrouvé sur une feuille volante : « Il convient de se prosterner devant l’autruche, car l’autruche court le 100 mètres en 6 secondes et 3 dixièmes. Ce sans s’entraîner 8 heures par jour, et sans le moindre recours à l’aide pharmaceutique. 

Un prodige. 

Évidemment, voilà qui n’est pas un signe de professionnalisme, et de plus la spécialisation extrême du volatile lui interdit, malgré tous les efforts déployés, d’apprendre comment jouer au golf correctement. » Ces détails insignifiants étaient, on le voit, soigneusement minimisés dans le bestiaire, qui savait quand il le fallait faire preuve de tact et de discrétion.

Jérôme Pitriol

Best of

Il n’y aurait plus de tigre dans le moteur, ni d’œil de lynx, ou encore de mémoire d’éléphant.

T’es mort !

Quoique dodu, je ne sais si le père Buffon aurait apprécié ce « Bestiaire équitable ». La part relevant de la drôlerie étant plus notable que celle réservée à la science de la nature. Ici, les poules délibèrent et les aigles se fournissent en lentilles de contact chez Optique 2000.  Les autruches ne savent pas jouer au golf, elles gobent les balles aux fonds des trous. En comparaison, pour obtenir un visa, le délai d’attente des martinets est bien plus long que celui des hirondelles (allez savoir pourquoi ? demande l’hypocrite)… De ces pets de l’esprit, sic Victor, la liste est longue. En attendant, où je dromadaire, c’est quand l’auteur de ce pastiche nous conte dans le détail (quelque peu superflu) son désarroi devant l’installation d’un campement illégal fait de planches, de bâches, et de tôles, sur lesquelles sont taguées leur opposition à l’assèchement d’un marais riche en biodiversité. Ma plume se dresse à cette évocation et c’est de façon opportune que j’imprime ici mes propres observations (déjà publiées dans la célèbre revue Nature), souvenirs d’enfance, qui ont fait de moi ce que je suis «…Comme j’en étais de cette nature, pareil à l’animal qui ne sait le jour qui suit. Faune qui n’a peut-être pas la notion du temps mais qui d’instinct ne souille pas son milieu nourricier… » … « … Image désastreuse que celle d’imaginer un millier de personnes faisant leurs besoins depuis plusieurs jours derrière les joncs mobilisateurs, pouponnières prodigues des zones humides, qu’ils sont venus, leur cœur tout grand offert, sauvegarder, protéger, défendre !… POURRIR !… » Et j’en terminerai : «… Ma pensée à cet instant fut pour Jean Rostand, mon maître, et ses reinettes à cinq pattes, à un œil, ou encore à plusieurs sexes… nous alertant sur l’impact des molécules chimiques rentrant dans la composition du plus inoffensif de nos médicaments, et plus précisément des estrogènes contenus dans les pilules contraceptives présentes dans nos urines et rejetées en quantité phénoménale dans nos fleuves, rivières et autres cours d’eau… Alors, un marécage !..»… 

Buffon, t’es mort. Je vis !

Serge Cazenave-Sarkis

L’Odeur du Bestiaire

— L’oiseau-éléphant est-il un oiseau ou un éléphant ?

— Ni l’un ni l’autre. Cet oiseau n’existe pas. Vous voulez sans doute parler de l’æpyornis. Eh bien l’æpyornis n’existe pas.

Best of

Quand le chat n’est pas là, dansent les souris ? 

Que de fois me suis-je insurgé contre ces formules à l’emporte-pièce (un chat d’Iran)

L’envolée

Nous voici à l’apothéose. 

Nous prenons notre envol littéraire et là le style coule à flot : allégorie, anaphore, chiasme, euphémisme, hyperbole, litote,…

L’oiseau, symbole représentant le pouvoir, la liberté, la paix, mais jamais les trois à la fois.

L’oiseau mi- gratteur cherchant à chaque seconde son équilibre.

L’oiseau qui nous survole et nous chie dessus (au sens littéral du terme).
Nous, pauvres humains… 

Et là l’auteur nous tient en haleine, la prochaine « section » nous sera-t-elle consacrée ? 

Nous, mi-hommes, mi-animaux.

Ce bestiaire sera-t-il du fantastique, de l’immense, du très beau Pitriol ?

Minily & Souris

L’Odeur du Bestiaire

— Les oiseaux sont-ils doués pour la politique ?

— Hélas, non. S’il est vrai qu’on donne volontiers aux personnalités politiques des noms d’oiseaux, les véritables oiseaux ne sont pour la plupart que volatils. Et encore pas toujours. Franchement, à part le perroquet, qui cause, aucune espèce ne semble en mesure de nous donner le change.

Best of

J’aimais les êtres humains mais surtout pas chez moi !

Disparition imminente ?

Saint François d’Assises parlait aux animaux, l’auteur du « Bestiaire équitable » choisit de les faire parler.

Extrait :

« Espineux, le hérisson, ne savait plus quoi faire : peignes, brosses, râteaux, tout avait échoué ! Son envie de se gratter sur la crête du dos devenait inextinguible. Heureusement, Brun, l’ours, vint à son secours en échange d’un bon toilettage. »

Nous sommes étonnés d’entendre les oiseaux chanter des airs d’opéra, Carmen notamment, dont la fin est revisitée pour protester contre les violences faites aux oiselles. Le coucou qui adore surprendre. Le geai qui nous lance la pierre. Le moineau qui entre dans les ordres.

Tout est démasqué dans ce livre hors normes.

Les oiseaux, ces dinosaures têtus, volettent entre les pages pour nous rappeler l’épée de Damoclès. 

La nature n’a que faire des disparitions massives d’espèces. Il y en a eu des centaines de milliers. Gare à nous, sinon…

Mais l’homme fait son malin.

Georgie de Saint-Maur

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De combien de lettres non authentifiées le corbeau fut-il l’auteur ?

L’Odeur du Bestiaire

— Les oiseaux sont-ils recommandables ?

— Bien sûr que non. On ne peut pas faire confiance à un oiseau. Le merle est moqueur, la pie est voleuse, et la cigale n’est pas prêteuse. Ces vertébrés-là n’ont aucune éducation. Entre ceux qui vous sifflent quand vous passez dans la rue, les m’as-tu-vu qui paradent à toute heure en faisant la roue, et ceux qui vous conchient en piqué dès que vous baissez votre garde, avouez qu’on est servi.

Best of

Comparer la femme à un animal sans fourrure était  sans fondement réel. Nous méritions bien mieux.

L’Odeur du Bestiaire (Georgie de Saint-Maur)

Cado, le canard, savait que sa vie pouvait se terminer dans un morceau de sucre

Rat(zeputz)

Arguons que l’écrivain (auteur, tout de même, de « La boîte à camembert », là où, encore ado, il collectionnait peut-être mouches et autres araignées démembrées), s’y connaît bien en… can(n)e de golf. 

Très fine comme approche ! Tout comme cette façon, volatile, d’annoncer la couleur. Jérôme Pitriol, un petit canard, une trempette dans le ratzeputz offert par l’ami Rainer ? 

Comprenez que les canards, ces animaux qui, étanches, passent une partie de leur temps à flotter sur l’onde, aiment aussi plonger leur long bec dans les eaux sales ! 

Souvenez-vous également de ces fameuses plumes de pygargue, vaste oiseau des contrées maldororiennes , en un temps où un certain Père Fétiche sévissait  sur (coin-coin !) l’échiquier saint-maurien !

Soit. Pour redevenir sérieux, passer des insectes aux poissons, puis aux oiseaux, n’est pas anodin. Ni le fait du simple hasard. Une logique infernale est là, en sous-tension qui permet le lien. Les oiseaux, comme chacun sait, entretiennent des liens étroits bien qu’ambigus avec les poissons. Tout comme les poissons avec les insectes (les pêcheurs à la ligne le savent bien). Y compris au plan linguistique. 

Tenez, le poisson d’argent, espèce d’insecte optère de l’ordre des zygentomes, dont il est si difficile de se débarrasser. Tout comme le pince-oreille, oreille que je me suis fait piquer si souvent, soit dit en passant… Maudite bestiole au nom pourtant si noble voire poétique.

Tout ça, donc, fleure bon l’insecte (anagramme, ne l’oublions pas, d’inceste). Aussi Œdipe n’est-il pas très loin, ni Oreste, le parricide. 

Pour finir, l’un de mes ex profs de philo disait ceci à propos des anciens grecs dont il prisait la culture : ne riez pas, ces histoires de naïades, de dieux se présentant à eux sous une forme animale ou une autre, ils y croyaient dur comme fer ! 

Si Io se mettait soudain à beugler dans un champ de pissenlits à la tombée du jour, nul doute que derrière ce visage bovin au regard pourtant pas si lumineux, se dissimulait la sœur de Mycènes. 

Depuis, les rats se sont fait la malle. 

Et avec eux les dieux. 

Philippe Sarr

L’Odeur du Bestiaire

— La chouette et le hibou sont-ils toujours ensemble ?

— En théorie. Mais à mener une vie nocturne chacun de son côté, comment voulez-vous que ça marche ?

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Si vous faisiez preuve de la moindre faiblesse l’homme vous sautait à la gorge !

L’Odeur du Bestiaire (Georgie de Saint-Maur)

Tiécelin, le corbeau, déroba un fromage à la fenêtre d’une maison et se le fit voler. À quoi pensez-vous d’abord ?

Encore un point pour le roquefort.

Le questionnaire de Louise Berg (suite)

On a surtout pu lire de vous des nouvelles, forme de fiction courte par excellence… Pourquoi cet intérêt pour la forme de la nouvelle ?

J’écris très lentement, alors le court m’attire. 

Pouvoir produire un texte en quelques semaines ou en quelques mois, c’est bien. Par ailleurs, je n’imagine pas mes textes en termes d’histoires. C’est d’abord un faisceau de considérations qui veulent converger, et la narration est alors une contrainte qui m’aide à trouver une forme.

L’Odeur du Bestiaire (Georgie de Saint-Maur)

Drouineau, l’oiseau, était persuadé que ce « Bestiaire » allait lui permettre de boucler son mois et d’achever son nid.

Quel naïf !

Ce que nous savons

Avec les oiseaux, tous nos critiques se sentent pousser des ailes. 

Rien d’étonnant chez Minily & Souris, qui en était peut-être déjà équipée.

Mais Serge Cazenave-Sarkis, lui, écrit quelques unes des plus belles lignes qu’on ait pu lire sur l’écologie, loin au-dessus des inepties du commun des mortels sur ce sujet. 

Georgie de Saint-Maur revoit de mémoire plusieurs chapitres de l’œuvre qu’il a pourtant dû lire il y a fort longtemps, et Philippe Sarr fait jaillir pour l’occasion de son chapeau des quantités d’espèces animales insoupçon-nées. 

De vrais magiciens.

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