La folie des glandeurs

Au nom des parenthèses

Coup de tonnerre miniature : après avoir découvert les parenthèses d’un espoir nécessaire instillées dans mon précédent article[1], certains pourraient y voir les bases d’une nouvelle secte ou d’une nouvelle religion.

Et, sans attendre, en devenir les membres ou les dévots.

Pas de précipitation en 2024, amis lecteurs.

Je m’explique : oui le bonheur rend heureux, certes, mais pour pouvoir jouir de parenthèses anxiophobes, je dois persuader mon cerveau que tout va bien.

Ce n’est pas gagné d’avance, car mon cerveau n’est pas très facile à convaincre. C’est un méfiant. Je le connais. C’est un têtu.

Alors, nouvelle Eglise ? nouveau Culte ?

Foin de tout cela ! Faisons plutôt des dons d’éclats de rires aux Psychanalystes Sans Frontières[2].

Ah, nos chers P.S.F. !

Autant Hippocrate, en Afrique, peut soigner une blessure par balle sans parler un mot de swahili ou, en Asie, examiner une radiographie des poumons d’un Chinois sans connaître un traître mot de mandarin, autant l’idée d’une psychanalyse sans frontières prête spontanément à rire.

Soigner, à travers une « grille syndrome »[3], un patient aborigène dépressif, en essayant (en quelque sorte) de le réinsérer dans la société occidentale, n’augure pas de très bons résultats.

Si vous avez les deux jambes brisées, le médecin ne va pas vous conseiller de faire des grandes promenades. Ou alors…

De la même façon si vous faites (comme moi) un retrait social, le psychothérapeute ne va pas vous conseiller outre mesure de voir des gens. Enfin, en principe.

La plupart des humains sont-ils bêtes et méchants ?

Oui, peut-être. Sans doute même.

Mais, heureusement pour nous, il reste l’humour.

Quoique… je ne puisse plus penser avec certitude que le rire soit le propre de l’homme depuis que j’ai vu (dans un documentaire) un chimpanzé réagir aux chatouilles.

Mais quand même, je le concède bien volontiers : le rire humain installe une esquive qui est souvent protectrice, tantôt réconfortante, tantôt révélatrice.

 

Pour encore nous tranquilliser davantage, épinglons parmi les curiosités anthropiennes, le côté du cerveau qui utilise les parenthèses ou les crochets.

Quelle merveilleuse spécificité !

Les parenthèses n’existent pas à l’état natif.

Le monde (qui n’est pas anthropocentriste, l’imbécile) avance et (apparemment) ne revient jamais en arrière.

Il semble être uniquement une succession d’instants qui s’additionnent sans jamais s’inscrire dans une marge.

Bien sûr, nous sommes pressés que ces instants empilés soient favorables à notre prospérité et à la réalisation de nos projets.

C’est normal, c’est ce que nous ont immédiatement imposé les temps primitifs[4] et notre tentative courageuse de vivre en société.

Mais attention, j’y introduis vite une phrase rassurante (car je commence à vous connaître, amis lecteurs) : être pressé, signifie aussi être animé.

C’est-à-dire lutter contre l’apparente inertie éternelle des rochers[5].

Le problème, c’est que la hâte constante ne mène pas souvent à un résultat durable. Car, comme disait l’autre : le Temps (ce salaud) ne respecte rien de ce qui a été décidé sans lui.

Une autre curiosité humaine est de faire glisser nos cogitations et nos imaginations hors du monde invisible du château intérieur[6] vers le monde visible du chaos extérieur.

L’écrivain[7] réalise ainsi un travail de concrétisation et de mise en forme tangible du produit de ses questionnements.

Il passe ainsi de l’univers intime des parenthèses à celui des solutions (qui lui semblent les meilleures) à apporter aux problèmes généraux. Ou même à une conception personnelle de l’écriture.

Je dis « personnelle », car elle sera liée à l’époque où il vit et aux conditions dans lesquelles il vit.

Il suffit pour s’en convaincre de regarder nos ancêtres et les anciens canons de la littérature, pour se rendre compte que l’écriture ne peut jamais être enfermée dans une série de caractéristiques.

Elles sont variables et tributaires (entre autres) de l’époque dans laquelle elles ont été déterminées.

On peut, sur une certaine partie des « idées vertueuses », étendre ce raisonnement (initialement destiné, rappelons-le, à définir l’écriture) à la façon dont on conçoit le bien.

Disons (si toutefois c’est possible) que, pour atteindre cet objectif, doivent s’ajouter toute une série de définitions de la bonté qui, apparemment, varient selon la civilisation et les époques.

Ainsi c’est difficile d’obtenir une sorte de « carte » qui déterminerait avec certitude les éléments constitutifs du bien universel.

Je n’irai pas jusqu’à dire qu’on peut traiter de la vertu comme de la mode, non, non.

Je fais cette précision car je connais quelques personnes toujours prêtes à me crucifier[8].

Coiffures et vêtements ne sont ni le bien ni la morale ; ces derniers ont des règles qui durent évidemment plus longtemps que les vogues.

Tiens, hasard ou coïncidence ?

Aujourd’hui, alors que j’attendais l’autobus, un septuagénaire, (croyant reconnaître en moi un ami) m’a accosté :

— On sera bien mieux de l’autre côté, m’a-t-il confié.

En partageant ainsi sa désillusion et son indispensable[9] croyance en une vie après la mort, il illustrait le mot « religion ». Ce mot où l’on croit discerner le mot relier : c’est-à-dire une notion qui relierait les hommes aux dieux.

Or, malheureusement (ou heureusement), les dieux ne sont pas anthropomorphes, comme je le souligne (assez bien je pense) dans les mots qui terminent mon ouvrage C’est assez dire[10]:

— En l’état actuel, Dieu est une araignée. L’araignée que l’humanité a dans le plafond.

 

Voilà, voilà…

Nous allons prendre congé ici.

Ce fut un plaisir… Oui, comme le disait Malkovich incarnant Valmont : un plaisir charmant !

Dommage que Nino Ferrer se soit suicidé, car la Patagonie lui tendait les bras et il aurait pu y vivre plus d’un million d’années… et toujours en été.

Mais bon, il était (rappelons-le) pour Mao contre Liou Chao-Chi.

Alors nous terminerons avec une variation sur une chanson de Serge (qui ne deviendra peut-être jamais une station de métro parisien). Une belle parenthèse pour celui qui aimait tant adapter les classiques :

« ♫ Signalement :

Yeux bleus… cheveux châtains…

Terrien… de sexe masculin…

Sans âge…  Apprend le destin….

Georgie…

Teint pâle… Le nez aquilin… »

 

Merci pour vos like. Merci de croire envers et contre tout à mon talent. Merci pour vos messages, vos commentaires et, bien entendu, pour vos abonnements.

Georgie de Saint-Maur

[1] Cet article s’intitulait Entre autres délices œcuméniques.

[2] P.S.F. (Psychanalystes Sans Frontières) est une association médicale que j’ai créée, il y a 10 ans, le 25 décembre 2014.

[3] Si sur une « grille syndrome » il y a (par exemple) dix symptômes et que, chez le patient, on en identifie trois : Il y a de fortes probabilités qu’il soit atteint par la maladie.

[4] Les temps primitifs auxquels il est ici fait allusion n’ont rien à voir avec la conjugaison.

[5] Les rochers (vaste sujet) constituent la majeure partie de l’espace différent du vide. Les transformer en pavés, que ce soit pour recouvrir la plage, dresser des barricades ou défier les lois de la pesanteur, semble être typique de la culture française.

[6] Le château intérieur est une œuvre écrite de Thérèse d’Avila. Elle renvoie à l’âme qui doit passer par des stades successifs pour atteindre la perfection. Une variante de ce « domaine intérieur » toutefois dépouillé de sa transcendance mystique est également le thème d’une chanson de Brigitte Fontaine sur son album Libido, 2006.

[7] L’écrivain, dans ce cas-ci. Mais aussi tous les artistes, de manière générale.

[8] La crucifixion évoquée ici n’est pas celle de Jésus d eNaezareth, mais celle de John Lennon dans The ballad of John and Yoko, 1969.

[9] Indispensable car vecteur de sérénité.

[10] C’est assez dire, © 2012, est la pseudo-interview accordée par l’apocryphe artiste conceptuel Jean Culard.

9 réflexions sur “Au nom des parenthèses

  • J’adore votre définition du D(d?)ieu araignée 😊
    Et lire cet article fut aussi un plaisir charmant…🥰

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    • Georgie de Saint-Maur

      Ja Frank, God of god? Ik aarzelde ook. Bedankt dat je de tijd hebt genomen om mij te lezen.

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  • Eric Brouet

    Soyons pressés d’être animés, tout n’en sera que plus charmant. Voire excellent (texte au demeurant).

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    • Georgie de Saint-Maur

      Merci beaucoup d’avoir pris le temps de me lire, Eric.

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  • Dominique FRANCOIS

    Mon cher Georgie j’use et j’abuse des parenthèses anxiophobes, je persuade mon cerveau que tout va bien. Et effectivement c’est un travail quotidien de chaque instant. Voilà à quoi je passe mon temps à me convaincre que mes rêves d’enfant, que ma béatitude puérile et que mes dons de petite fille (comme parler aux elfes et aux fées de mon jardin ) restent mon avenir. Le Temps n’a pas de coeur et le coeur n’a pas le temps. Tout est cercles. Il serait intéressant que je me penche sur la grille des P.S.F.
    Un doux délice de vous lire. Texte interpellant et savoureux.

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  • Veri

    Une façon fort agréable de se conforter en se disant que « allez ,oui »,la vie vaut la peine, surtout si des p’tits gars comme toi , nous aident à la  » surv Rire »

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    • Georgie de Saint-Maur

      Merci d’avoir lu, Veri

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  • Jean-Luc Dalcq

    « Bien sûr, nous sommes pressés que ces instants empilés soient favorables à notre prospérité et à la réalisation de nos projets. »

    Sauf que souvent par les effets d’une déréliction saugrenue, délectable pour certains d’ailleurs (l’enfer humain étant sado-masochiste par essence selon les études du très controversé Zarrabal 3 dans « le scolopendre vermifugé »), notre inconscient semble parfois faire absolument tout pour que nous ne nous dirigions pas vers la bonne direction.

    Un peu comme la marche forcée des écrevisses.

    Ce qui est une bonne façon de découvrir finalement l’Amérique lorsqu’on pensait arriver aux Indes. La surprise pouvant faire jaillir d’un coup l’inattendu et pourquoi pas la « découverte ».

    Sur ce, je te souhaite une belle année bien créative et te rappelle que j’ai beaucoup apprécié ton opus de nouvelles (écrites ici sans doute) « passeport pour l’asile »… Joli.

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    • Georgie de Saint-Maur

      Une fidèle compréhension de mes écrits, Jean-Luc.
      Toutefois, l’enfer humain (gavé de bonnes attentions) ne me transformera ni en adepte de Sade, ni en celui de Léopold Von Sacher-Masoch.
      En tout cas, pas de façon permanente, je pense, car à chaque verre de vin, je deviens de plus en plus intelligent.
      Blague dans le coin, merci de me lire.
      Content que « Passeport pour l’asile » ait été apprécié.

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