Fifine
Mon nouveau livre Métapoly vient de sortir[1]. Laissez-moi vous dire que l’éditeur est un type hyper courageux qui tient fermement la barre de l’insolite contre vents et marées déchaînés. Les ventes sont encore modestes, mais les lecteurs sont terriblement intelligents. Ça fait plaisir.
Je rentre de Provence avec Phébus dans les yeux. Sans Internet, sans télé, sans radio, sans téléphone. Le bonheur. Un verre de Ventoux sur la terrasse avec les rayons du soleil qui filtrent dans les branches. Un peu de jazz des années trente ou quarante. Du coup, je suis en retard pour tous mes textes : la présente rubrique, une chronique bimestrielle, la finalisation d’un tout nouveau feuilleton. « Ça sent le nègre ici », comme on disait à propos d’Alexandre Dumas dans les salons.
Un jour, j’ai réfléchi et je me suis dit : « Finalement, ce que je veux dans la vie, c’est qu’on me laisse bien tranquille. » Une ambition qui m’apparaissait tout à fait réalisable. Eh bien, c’est fou le nombre de casse-pieds qui rôdent dans l’univers impitoyable. J’ai du chausser mes bottines et empoigner mon piolet pour gravir la montagne de factures qui m’attendait en obstruant ma boîte aux lettres. Comment pouvoir continuer à vivre (sans chichis) quand on est entouré de tous ces charognards ? Voilà une bonne question soulevée par les vautours de Walt Disney dans Le Livre de la jungle. Et réglée dans la chanson Taxman de George Harrison:
— If you get a head, I’ll tax your hat
Il faut dire qu’en Angleterre, il y a eu réellement une taxe sur les chapeaux ! Pour des raisons impénétrables, cette taxe ne s’appliquait qu’aux chapeaux masculins.
Tiens, les restos du Cœur fêtent leurs trente ans, ça c’est chouette. C’est Coluche qui doit être super-heureux. Et après ça, on dira que les entreprises ne marchent pas en France ? Les Français râlent toujours.
« Vous êtes des veaux ! » leur avait dit un galonné parfois adulé, parfois décrié, qui a réussi à ne jamais se déplacer pour fêter le débarquement américain en Normandie, et à transformer une vilaine défaite en victoire totale.
Ça laisse rêveur.
— « L’Arabie c’est où dites ? C’est par là, mec. »
Cet excellentissime jeu de mots semble vraiment indémodable. Un Saoudien à la tête des droits de l’homme, voilà une décision qui va réjouir toutes les femmes. Quant à la Mecque, cette horrible bousculade digne du stade du Heysel. Pauvres gens. Triste fin pour des pèlerins. Ça ne donne pas envie d’y aller.
À peine débarqué dans la capitale économique de l’Empire Wallon, que me voici accosté par un clochard. Un très gentil monsieur, la soixantaine, pas trop crado, mais visiblement atteint de confusion mentale. D’une voix douce, il me demande avec un sourire confiant :
— « Vous n’auriez pas un sandwich ? On verra bien. »
Et là, je suis illuminé par sa sagesse. « On verra bien », voilà exactement la philosophie qu’il faut avoir en cette fin du monde 2015.
Bon, comme en France, tout finit par des chansons, je vous demanderai de retrouver le créateur de ces paroles immortelles fredonnées par Jean Gabin :
— De la rue des Halles à la rue d’la Huchette
On connaît Fifine la reine des bals musette
Le soir quand elle passe en roulant des mirettes
Plus d’un gars du quartier lui dit sans s’faire prier
Viens Fifine viens Fifine, viens…
That’s all folks…
[1] http://www.editionsdelabatjour.com/2015/07/metapoly-de-georgie-de-saint-maur-et-marray.html
« On verra bien. »
Mon mot d’ordre, ma philosophie, ma phrase culte…