Elfes et fées domestiques : troisième épisode
Troisièmes analyses
Minute philofée
Nirvana scrutait l’immensité de l’océan, assise sur la branche de son pommier préféré.
Elle méditait, ses jolies ailes repliées, sur le sens de la vie.
Shivana s’approcha à pas de serpent et persifla :
— Ô Nirvana tu sembles bien lointaine…
Nirvana tourna lentement la tête vers l’Elfe, sa longue chevelure cascadant le long de son épaule.
— Quel est le sens de la vie, Shivana, le sais-tu ?
— Oui, Ô Nirvana, je le sais mais il s’agit là d’un grand secret. Es-tu prête à l’entendre ?
Nirvana captivée par les propos de Shivana descendit de son pommier préféré (c’est vous dire).
— Oui, je t’écoute…
— Hé bien, dit Shivana, le sens de la vie est simple. En premier, nous naissons, en deuxième, nous vivons et enfin nous mourons.
L’ordre peut parfois être bousculé, Ô Nirvana, et c’est là le non-sens de la vie.
Minily & Souris
La pomme de Newton
La silhouette du vieux Johnny Appleseed vient hanter nos mémoires instinctives, nous le revoyons planter inlassablement des pommes de toutes les couleurs.
Encore des pommes !
Des valises, des paniers, des caisses, des cageots de pommes.
L’auteur(e) est tombée dedans et perce avec une astuce méphistophélique le problème numéro un de la Genèse, le fruit défendu.
Oui, selon elle, c’est bien Ève et non Isaac Newton, qui, la première, a conçu le principe de la gravitation universelle.
En recevant une pomme sur la tête.
Reste encore à déterminer si le serpent était bien un reptile, ou, tout simplement une incarnation de l’elfe susnommé ?
Nous le découvrirons peut-être en poursuivant nos analyses.
Extrait :
« Qui croit aux elfes et aux vertus réconciliatrices de la compote de pommes de la discorde a, plus que certainement, conservé une âme d’enfant. »
Georgie de Saint-Maur
Courtex
Monsieur Pétrus est mort.
Tante Ozon va lui rendre un dernier hommage eu égard à la relation d’amitié qu’elle entretient avec l’épouse de celui-ci, Mmeveuve Pétrus.
— Mes condoléances, dit Tante Ozon
— Merci, il a tellement souffert, snif ! Des mois dans les hôpitaux, sous perfusion, blablabla, blablabla et enfin rentré à la maison où blablabla.
Et au bout de 15 minutes d’explications de tous les détails de cette longue et terrible maladie (qui a causé la mort de MrPétrus), MmeVeuve Pétrus de conclure :
— Blablabla, c’est vraiment triste.
— Oui, dit Tante Ozon (petit silence de communion avant l’apothéose).
Et… de quoi est-il mort au juste ?
(Alfred Arnaque « Les cahiers de Nise »)
Fées et gestes (Georgie de Saint-Maur)
La fée du logis aimait un maréchal.
Pirouette métaphysique
Dans nos vies modernes, le temps manque souvent pour la méditation.
Peu rentable, silencieuse et déconnectée du Réseau, elle passe rarement le stade de la bonne résolution.
Dans « Minute philofée », l’auteur nous invite à nous poser, avec deux elfes menus, sur la branche d’un pommier. Dans un cadre idyllique, l’arbre donne ses fruits, les petits êtres sont en fleur, et ils laissent un moment de leur vie s’écouler à contempler l’océan.
Les reflets rosés du ciel, le scintillement de l’onde exposée à l’astre du jour nous bercent et nous amènent à faire le vide dans notre esprit soucieux. Bien sûr, il n’y a que les créatures au cœur simple des histoires qui peuvent se permettre une telle oisiveté. En ce qui nous concerne, force est d’admettre qu’on n’a pas que ça à foutre.
Peu importe : l’envoûtement opère. Le temps de quelques pages, on oublie le monde, et on laisse l’auteur nous ouvrir les portes de la perception.
Nous cheminons dans un espace ouvert et transcendantal, jusqu’à cette pirouette métaphysique, en bout de course, que la fée Shivana exécute en inversant malicieusement l’ordre des choses pour expliciter le non-sens de la vie.
Ce moment de grâce où le temps, imitant les fées, suspend son vol, prendra, on le sait, une couleur un peu nostalgique dans la seconde partie du livre, lorsque Nirvana et Shivana devront dresser la table dans le salon pour un banquet de 120 couverts, dans l’urgence.
Prévenues seulement de la veille et malmenées par la conjoncture et les aléas, elles manqueront cruellement pour l’occasion de personnel en cuisine, et seront contraintes d’assurer le service elles-mêmes, en voyant les convives les plus gloutons – nains de jardins et hérissons en tête – commencer à affluer une heure en avance afin de faire main basse sur les petits fours de l’apéritif.
Jérôme Pitriol
Fées et gestes (Georgie de Saint-Maur)
La fée Viviane était excédée par toutes ces branches à casser.
— Il me faudrait un merlin, se dit-elle.
Hate me !
Voici le titre redoutable d’une chanson du groupe de rock anglais Nirvana, dont la figure de proue, Kurt Cobain, se donna la mort, comme chacun sait, dans d’horribles circonstances.
Jusque là, j’ignorais que l’auteure des « Fées mères », certes grande mélomane, vouait à ce dernier un tel culte. Cela étant, en y réfléchissant, et connaissant son goût prononcé pour les pommiers qu’elle aimait, paraît-il, escalader pour aller y cueillir en culottes courtes lefruit défendu, cela ne m’étonne pas tant que ça, au fond.
Pour autant, lui présenter mes condescendances pourrait heurter certaines âmes sensibles, surtout à une époque telle que la nôtre qui ignore l’humour et le second degré…
D’ailleurs, tant que nous y sommes, qui se souvient de Sainte Philomène, dont les restes furent retrouvés dans une catacombe prés de Rome, et qui, de la part de notre auteure, faisait l’objet d’un culte particulier ?
D’aucuns lui en voulurent pour cela. D’où ce surnom qu’on lui prêtait : Sainte Féenomène !
Philippe Sarr
Fées et gestes (Georgie de Saint-Maur)
— Tout le monde peut le faire !
— À cheval ?
(Prix spécial des plus mauvais jeux de mots de France)
Le questionnaire de Louise Berg (suite)
— On a surtout pu lire de vous des nouvelles, forme de fiction courte par excellence…
Pourquoi cet intérêt pour la forme de la nouvelle ?
La brièveté de la nouvelle donne un rythme soutenu que j’apprécie tout particulièrement.
Lorsque je lisais Balzac, Hugo ou plus récemment Tintin, je dois vous avouer que je passais les longueurs (j’entends par là que je sautais des pans entiers du roman) induites par les descriptions.
Je ne suis pas quelqu’un qui s’attarde sur le fait que Tante Ozon a mis un tablier bleu à pois blanc et qu’elle a servi la soupe dans une théière à fleurs jaunes. Non ! Allons à l’essentiel. Et l’essentiel qu’est-il ?
Que Tante Ozon boit sa soupe dans une théière ! Voilà l’essentiel, la quintessence ! Et le lecteur de se délecter, avec Tante Ozon, de ce thé au goût de soupe.
— Ôte ta fausse barbe, idiot de nain : je t’ai reconnu.
— C’est pas moi.
— Je me disais aussi…