Tombeau pour Samuel Paty
Viva la libertà !
Tombeau pour Samuel Paty
Langue coupée
Bon… bon… fallait quand même que je l’ouvre… pas simple, pas simple… tais-toi, tais-toi, respecte la minute de silence, bordel ! Mais que voulez-vous, ça parle en moi, ça parle tout seul, ça sort de partout, ça déborde par tous les trous, pas de trou, pas de covid-19 ni de de vide commun, foutu déterminisme corporel, ils auraient dû nous faire sans trous, sans ouverture, foutus trous, l’humanité est malade par ses trous, dans ses trous, par tous les trous, trou story, c’est édifiant, les trous vous dominent, les trous parlent aux trous, les trous c’est le destin, comme le fredonnait Freud, avant d’ajouter : la métaphysique est un rhume et dieu un simple éternuement, quelle époque, n’est-ce pas, pas simple, pas simple, je suis là et vous êtes ici, en attendant, trifouillant le langage pendant que les enfants jouent au Docteur Maboul sur la table du salon, je ne suis pas épidémiologiste mais… j’ai déjà eu la grippe, le sida, la varicelle, la syphilis, la peste, le typhus, le papillonna virus, la vérole, quelques verrues, et des moments d’herpès… tiens tiens, faudrait bafouiller un éloge de l’herpès, ou du covid-19… herpès-moi sur-le-champ, Ô Maitre Covid-19 ! Pseudominateur sur le net et autres planètes, 3615 Domina Dominus Dominum ! C’est fou cette foutu habitude de se mettre à genoux, prosternez-vous devant une bactérie… 3000 ans chez les microbes, chez les virus, chez les Lilliputiens… Swift, save-us !
Z’auraient dû nous faire sans trous… Mais qui ça ? Au fait ? Darwin à la rescousse… le hasard, le bon vieux azar, jeu de z’arabe, dé lancé, fleuri, roulant sur sa crête entre le 1 et le 9, tel un scarabée sous LSD : est-ce que c’est de l’arabe ce que je vous dis ? Faut vous le dire en quelle blablangue pour que vous comprendez ? Dieu n’est que l’antidote du hasard… et devinez quoi… C’est un placebo !
J’ai beau faire le tour de tous les trous… je n’en vois pas le bout… les trous tombent les uns dans les autres… et se frottent entre eux… et même si tout ment même les trous, les trous disent quand même la seule vérité qui soit bonne à dire : tout sera rempli et le hasard sera aboli. Curés Horror vacui !!! C’est pourtant évident : dieu, c’est du mastic… c’est un bouche-trou. Il est venu à l’idée des hommes pour boucher un trou et… comme toujours… ça ne suffit pas. Plus vous colmatez, plus le trou s’élargit… ou se déplace.
Moi, les croyants, ils me choquent avec leurs croyances, je me sens micro-agressé en permanence par leurs manigances pour boucher les trous et abolir le hasard… Les croyants croignangnan nianiania snifsnifistes… ils blasphèment quotidiennement ma religion trouée et hasardeuse… ça pleurniche en disant que dieu existe… bah moi, je suis offensé… blessé… outragé… violé psychiquement… Alors, je cherche une association ou une institution pour me défendre et là… quedal ! Bienvenue au pied du mur ! Et puis, soyons sérieux, si dieu existait… on n’aurait pas de trous ! Dieu n’existe pas… certes… mais, soyons tolérant… imaginons pendant trois nanosecondes qu’il existe et pensons à la formule de Descartes, formule génialement ambiguë : dieu est « venu à l’idée » … dieu n’existe pas, mais il est venu au monde à travers une idée… bref… dieu est une vulgaire idée… qui, comme toute idée, mérite tout notre irrespect… dieu n’existe pas… il est ek-zisté… jeté dans le monde… qui est un trou. Dieu est-il donc au fond du trou ? Possible… probable… édifiant ! De profundis réclamant le vice ! Et ils l’écoutent. Samuel Paty en sait quelque chose. Faut pas montrer leur papa tout nu, enfin… c’est pas respectueux. Sinon Anzarov, le bras armé des respectueurs te remettra sur le droit chemin !
De toute ma vie, je n’ai jamais croisé une gr ande personne… et encore moins un athée. Les curés pullulent, plus infantiles les uns que les autres, s’agenouillant en réclamant un papa infiniment protecteur… Vater-Sehnsucht… dira Freud et ils n’ont toujours pas compris que leur dieu est obscène… l’intimité, ils ne connaissent pas… faut sans arrêt qu’ils s’exhibent… Le diable, pour les curés, c’est le hasard… Dieu est mort… méfiez-vous vous de ses substituts… ironisait Nietzsche, qui, sur ce point, avait tout compris… je vous résume en une phrase le concept de prêtre chez Nietzsche : les curés… c’est comme l’herpès… dès que vous avez un coup de mou… ils ressurgissent pour vous bassiner avec leur père-chimère et vous empêcher de cultiver votre jardin…
Tête coupée
C’est incroyable… l’oubli… le devoir qui exclut la mémoire… la morale qui trie la mémoire… la minute de silence dure finalement plus qu’une minute… c’est pesant, l’étrange durée de ce silence minuté, ce silence qui suit le silence… ce qu’il faut retenir dans « minute de silence », c’est silence et pas tellement minute… pas de vague… tout ce qui dépasse le silence sera coupé au montage… minute par minute, minutieusement… silencieusement… obséquieusement… Que demandent les curés ? Silence, récitations de textes et obéissance ! Vade retro satanas hasardus humoristicum… alors que vraiment, la religion, à l’instar de la sexualité, c’est à mourir de rire…
Le jour de la mort de Samuel Paty, je me souviens très bien, le ciel était aussi bleu que le 11 septembre 2001, il s’agissait peut-être d’ailleurs du même ciel sous lequel jamais rien de nouveau s’énonce, si ce n’est le découpage constant de la liberté en quatre. Je courais sur les bords de Marne en écoutant R I P, la chanson de Portishead. Ce même groupe anglais qui, il y a longtemps, avait fait ce film étrange : To kill a dead man. En voilà une bonne question : comment tuer un homme mort ? Les révolutionnaires français, des curés pas comme les autres, s’étaient posé cette question dans la Basilique de Saint-Denis : comment tuer ce qui reste des rois que la mort avait privés de la sainte purification terroriste ? Rien de plus simple, demandez à Barère, qui proposa d’en finir avec les « cendres impures » des anciens rois : ils les ont donc déterrés et re-tués. Aux terroristes, rien ne suffit, nous connaissons cela par cœur, nous avons tout ça dans nos archives, la religion se gorgeant de sang, le racisme sanguinaire, la colonisation, la répression du désir des femmes, la répression du désir des hommes, la pensée tenue en laisse, on connait la chanson, nos archives en débordent et nous savons qu’aux terroristes jamais rien ne suffit ! La radicalisation est sans limite, tout sera purifié par les curés de tous bords ! Patience… à la fin, ils se guillotinent eux-mêmes. Jusqu’aux derniers. Leur seul désir : le plus court chemin vers une mort qui tue même les morts ! Toujours au nom de la vertu ! C’est pour ton bien, mon enfant…
La terre est plate
A l’orée du sommeil, parfois… au bord de l’inconscience… sans crier gare… j’entends la tête tomber sur le sol… tomber n’est pas le mot juste… chuter… quitte à instruire les curés… je rappellerai que la chute libre est le mouvement naturel des corps… une chute libre plus ou moins contrariée par les frottements de l’air et par les lois implacables de la gravité… d’ailleurs… aucune expérience ne pourra te permettre de savoir si c’est la tête qui chute ou le sol qui accélère vers le haut… demande à Einstein… principe d’équivalence… demande à la courbure de l’espace-temps… je m’emballe, les curés pensent que nous ne descendons pas du singe, les curés pensent que la terre et plate et que la liberté d’expression est aussi sécable que les clitoris… Einstein, Darwin, Joyce… écrasant l’infamie, c’est fini ! Pour Abdoullhak Anzarov, la tête de Samuel Paty ne rejoint pas le sol par l’effet de la courbure de l’espace-temps mais tombe dans la gueule d’Allah et par la volonté d’Allah. Il n’y est pour rien… je ne suis que Staline… qui aurait cru qu’Abdoullhak Anzorov était fan de Badiou et Nancy… Un camion lancé… avait titré Jean-Luc au lendemain de l’attentat de Nice… avec la thèse suivante : le camion n’est pas conduit par un curé islamiste, ah ça non… Il a été lancé à distance par… roulement de tambour… le capitalisme, évidemment, pas de responsabilité individuelle car tout est politique… c’est la faute à… Voltaire et Kant… aux Lumières… à l’universalisme abstrait impérialiste… aux libéraux et à leur foutu commerce qui fait rouler des camions à distance pour écraser des enfants…
Einstein a compris que Newton se trompait légèrement dans sa théorie de la gravité car il doutait de cette idée de force à distance entre les corps massifs, pour lui, ça ne tenait pas debout… Einstein nous a offert alors le plus beau cadeau de tous les temps… il nous a débarrassés de cette idée magique de force… pour la remplacer par la plus belle équation de l’histoire de la physique :
Un objet ne chute pas d’un point A à un point B à cause d’une force magique qui agirait à distance mais parce que sa ligne d’univers (chute libre en ligne droite) est forcée d’épouser la courbure de l’espace-temps induit par les objets massifs… la tête de Samuel Paty, au hasard des nébuleuses stellaires, n’a fait que suivre sa ligne d’univers dans la courbure de l’espace-temps. Quand ils tuent des vivants, ils tuent des morts. Les curés tuent Einstein tous les jours. « Allah va plus vite que la lumière » aurait dit Anzarov avant de mourir.
Une lueur d’espoir
Bon, bon… à la minute pénultième, contre toute attente, du fond d’un couloir traversé par un courant d’air, une lumière affleure… un excentrique espoir nous vient d’Angleterre… une sombre inconnue nommée Amanda Liberty (sic)… génie méconnue… cette femme s’est tout simplement mariée avec un lustre de 90 ans… non sans garder sa liberté… cet engagement ne l’empêche pas de cultiver avec son mari une union libre : « Je dors chaque soir avec un lustre différent » affirme-t-elle. Elle raconte aussi : « A 12 ans, je suis tombé amoureuse d’une batterie… j’ai compris alors que je n’étais ni hétéro, ni homo, mais tout simplement objectophile… objectum-sexuelle… et ensuite, après avoir vu La Belle et la Bête de Walt Disney, le lustre est devenu mon objet fétiche… ». Car Amanda ne fait pas que dormir avec les lustres, elle s’y frotte, elle les lustre. « La pulsion sexuelle n’a pas d’objet privilégié », Freud nous avait pourtant prévenus, la sexualité n’est en rien naturelle. La jouissance aura lieu avec n’importe quoi, n’importe où, n’importe comment, car ce qu’il faut comprendre c’est qu’elle se définit simplement du fait qu’elle aura lieu quoi qu’il arrive et comme elle se le doit, car elle ne soucie que d’elle-même, comme le langage, demandez à Novalis.
Certes, les gens comme il faut sont choqués qu’elle ait pu acheter son mari sur eBay en 2016… mais la liberté individuelle doit rester entière à l’intérieur des limites de la loi, seul antidote à la morale. En deçà de la loi, si vous divisez la liberté, vous l’annulez complètement. Cette femme merveilleuse m’a fait l’honneur de me recevoir dans son salon, non loin de Leeds. Elle serrait son lustre de mari dans ses bras quand elle a bien voulu me donner son avis sur le meurtre de Samuel Paty : « C’est un meurtre objectif, anti-érotique, spéculatif, Hégelo-sartrien, idéologique, commis sur le dos de l’Histoire, ce cauchemar éveillé… ce meurtre récite une leçon contre la subjectivité… l’islamisme est une éthique radicalement dénuée d’intériorité non-objective… ce meurtre est le plus sanguinaire des mensonges. Un mensonge, c’est quand on veut détourner un paradoxe indétournable. Kierkegaard dit de lui-même qu’il est un « éroticien hors-pair » … tout l’inverse d’Anzorov… qui est un praticien hors-pair du découpage de la liberté. Ce meurtre est l’acte systématique typique des paradeurs rhétoriques et des enfileurs de parenthèses, des peine-à-jouir, des penseurs désexualisés, désexistentialisés, fixés sur la vulgarité des idées simplificatrices, doxales… Cette femme n’est pas toujours simple à suivre dans ses raisonnements, j’en conviens.
Chose curieuse que le hasard, mais Amanda Liberty est aussi une spécialiste de Thomas Hobbes… la dernière fois que je l’ai eue au téléphone, elle m’a dit : « Vous savez Mr Daddyball, l’homme n’est un homme que pour l’homme et donc l’homme n’est pas un homme pour le loup, et inversement, n’est-ce pas ? Le loup n’est donc pas un loup pour le loup non plus. L’homme est surtout un dieu pour l’homme, comme le dit Hobbes dans son De Cive, et comme dieu est le placebo du hasard, l’Homme est un placebo pour l’homme. C’est la morale d’une paix éventuelle, pas si perpétuelle. C’est donc pour ne pas être un dieu pour autrui que j’ai choisi de me marier avec un lustre afin d’améliorer le processus civilisateur : je ne voulais aucunement intervenir dans l’intimité d’un autre homme de peur de diviser sa liberté. »
Voilà une éthique pour le moins radicale ; on rêverait que certains se l’appliquent.
Adhoullhak Anzorov, quant à lui, a choisi d’utiliser sa liberté pour annuler la liberté et la tête de Samuel Paty a suivi sa ligne d’univers en épousant la courbure de l’espace-temps.
Nunzio d’Annibale