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Les désirs qui bifurquent…

Mais oui… il bifurque, le désir, il en fait qu’à sa tête… par exemple :  elle sonne par erreur, il ouvre par habitude. Simple, mais efficace… ce risible scénario, mettez-le entre les synapses d’un poète pas habituel et alors là… vous êtes au bord de l’enfer… perdez toutes espérances… gagnez toutes les jouissances… la machine à fantasme est enclenchée… genre thème et variations, avec la myriade des possibles qui se pointent comme une armée de fourmis giclant dans tous les sens. Vous croyez seulement ouvrir un livre… minute ! Vous participez à une partouze d’espace-temps… dont les courbures deviendraient sensuelles… labyrinthe ce livre… inextricable comme la naissance de la pensée.

Je présume que vous ne savez pas quoi lire sur la plage cet été… vous hésitez entre Critique de la raison pure de Kant et La fille du train de Marc Musso ? Voilà une alternative : Un possible amour, d’Éric Brouet. Littérature dégagée, désinvolte, inconséquente, ne cherchant à contenter rien d’autre que le possible qui arrive du futur à travers la nasse du conditionnel : Horace ou le tâtonnement généralisé, petit tricoteur élégamment indécis, doutant du doute lui-même, cherchant l’or du temps au seul endroit où nous n’avons renoncé à rien : dans le fantasme.

Le désir,  maladroit… emprunté, toujours emprunté, se croit seul… délire… dérive… change d’avis avec une légèreté sublime, revient en arrière, bifurque… chemins des désirs qui bifurquent… Holzwege ? Chemins qui mènent à NULLEPART, le seul endroit qui m’intéresse, l’endroit où « ce qui n’existe pas, arrive… » (Guimarães Rosa). Adieu Sociologie, déterminisme, grand soir objectif… bonjour subjectivité et les petits soirs difficiles sauvés par un fantasme… Bonjour subjectivité souveraine, souveraine, souveraine… non pas par défi… mais par miroitements des solutions illusoires… par scintillement des jouissances logiques… car à la fin des fins… au dernier râle…  c’est vous avec vous, conscience contre tout contre soi…  assumant que vous y êtes pour tout dans ce râle théâtral dont vous ne pourrez pas revenir… quel beau labyrinthe ! On s’y vautrerait bien… on s’y perdrait avec volupté… le roman fouille nos petits arrangements érotiques, ceux-là même qui finissent en « positionnements politiques » clivés, car il a fallu choisir un seul scénario… littérature dégagée mon amour… qui sait que le langage ne se préoccupe que de lui-même… que rien et même absolument rien n’est politique… que tout est caprice du désir… la politique n’étant que l’un de ses joujoux…

Rien que ça, inédit en langue françoise : comment pense un corps qui aime Webern que personne n’aime ? A qui faut-il s’identifier pour ça ? Pour se mettre à ce point à côté de l’oreille habituelle… comment quelqu’un arrive à respirer par l’oreille dans cette angoisse timbrée par Webern ? Cherchez idem, vous ne trouverez pas…  Rien que ça : magnifique roman du déploiement d’un corps qui pense, du Rodin verbal, que j’vous dis. La pensée, hein, mystère irrésolue… un peu moins maintenant que Brouet s’y est mis…

Cette prose des possibles n’est pas du tout théorique… grâce au flot de conscience qui s’organise comme poème…  et nous promène habilement dans un labyrinthe dont on a pas du tout envie de sortir… on a envie de fantasmer encore et encore… désirer encore et encore son propre fantasme… toujours emprunté le désir… quel bordel le désir…  Le désir est emprunté et le hic c’est que nous ne savons pas à qui le rendre… et des romans qui mettent en poésie la maladresse du désir… son délire… son système de mensonges arrangés… son opium… ça court par les boutiques à livres… croyez-moi… alors oubliez la gastro littéraire habituelle et courrez dans ce livre… plongez dedans… ambroisie !

Nunzio D’annibale

Un possible amour
Eric Brouet

77 pages
ISBN 978-2-931067-13-0
14 €

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