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Agathe Flore : à la rencontre des civilisations mythiques

Disons-le d’emblée : même si j’aime les contes de fées, la fantasy n’est pas mon genre de littérature. Qu’est-ce qui m’a pris, alors, de lire Mu – L’ombre d’Atlantis, premier tome de la série de l’autrice, comme elle aime à se définir, Agathe Flore ?

Je l’ai rencontrée par hasard, lors d’une soirée à Spa où elle réside actuellement. Son parcours est assez singulier. Cette jeune femme, née en 1978, a grandi dans l’Ardenne belge avec les elfes et les fées des bois. Elle se passionne très tôt pour la littérature de l’imaginaire pendant les longues soirées d’hiver. Après une courte carrière de diététicienne, elle se réoriente dans l’administration où elle gère les marchés publics liés aux grands événements culturels à Bruxelles. Animée par des idéaux humanistes, elle milite en politique pendant une dizaine d’années avant de se lasser du jeu des trônes bruxellois. Elle exerce sa main verte dans le potager urbain de son quartier. Aujourd’hui, de retour dans notre ville, elle se consacre à sa passion première : l’écriture de fantasy mythologique.

Vous avez dit : fantasy mythologique ? Mais qu’est-ce donc ? Appelée aussi fantasy mythique, elle a comme particularité d’adopter, en les réactualisant, les thèmes et les codes du mythe. Voilà qui est intéressant. Qui n’a jamais entendu parler de la mystérieuse Atlantide, citée par Platon, dont des scientifiques et historiens essayent toujours de trouver des traces ? Mais ce n’est pas tout. Agathe Flore se base également sur l’archéologie alternative, dite aussi la théorie des anciens astronautes, qui cherche à démontrer que les anciennes civilisations ont été en contact avec des « visiteurs » extraterrestres venus apporter sur la terre le savoir dans les domaines de l’écriture, de l’architecture, de l’agriculture, des mathématiques, de l’astronomie et de la médecine.

Moi qui avais déjà du mal à choisir entre Adam et Eve et l’évolution des espèces selon Darwin pour expliquer l’origine des êtres humains, me voilà confronté à une troisième théorie : les extra-terrestres. Ce qui, dit en passant, pourrait finalement expliquer pas mal des contradictions de l’Homme avait un grand H.

Agathe Flore est donc passionnée par l’Atlantide et Mu. Deux civilisations disparues ou imaginaires. D’après les écrits et recherches plus ou moins scientifiques, Mu serait antérieure à l’Atlantide. L’autrice a préféré les faire coexister.

Sous sa plume légère et imaginative, elle s’inspire également du monde de Tolkien et ajoute à son récit des êtres fabuleux comme les elfes, les magiciens ou des personnages doués de pouvoirs psychiques.

« La forêt d’Almaril, luxuriante et grouillante de vie, recouvrait le tiers nord du continent de MU. Les arbres s’enracinaient profondément dans le sol nourricier et s’élançaient vers le ciel. Les branches et les creux de leurs troncs gigantesques abritaient les villages elfiques. L’intelligence de la nature avait réparti ces géants nommés mallornors par leurs habitants, de manière à ce que leurs branches entrecroisées forment un réseau de routes et de sentiers à une hauteur vertigineuse. Les grosses brancheroutes, larges et planes sur le dessus, soutenaient facilement une foule d’elfes. Les branchevoies plus fines et tortueuses, terrain de jeu favori des enfants, mettaient à l’épreuve leur agilité innée. »

Voilà le contexte posé. Intéressons-nous maintenant à l’histoire. Les peuples du continent Mu  vivent en paix depuis des millénaires. Les humains demeurent dans sept cités ou royaumes. La principale est Panapée sur laquelle règnent en sage Ramu et Anzuma. Ils entretiennent des liens étroits avec les souverains des elfes ainsi que certains magiciens. Mais la cérémonie de naissance de leurs enfants respectifs au pied de l’Arbre de Vie annonce l’avènement d’une ère de ténèbres sur le monde.

Devenus adultes, les princes Yléron, Serendril, Serenwynn et Gwendara, bravant leurs prophéties, fuguent et rencontrent des Atlantes dans les Terres sauvages. Gwendara est en fait le fruit d’une humaine et d’un magicien. Sa mère, Elenghys, fut chassée jadis de Mu avec son mentor, Ramon, dont les idées étaient à l’encontre des lois de démocratie et de bien-être des habitants de Mu. La jeune apprentie magicienne cherche à retrouver sa mère et à entendre sa propre version des faits. Lors du premier contact, une forte tension monte entre les deux civilisations dont les divergences de valeurs se révèlent rapidement et augmentent à chaque nouvelle rencontre.

Deux continents au départ identiques : mêmes édifices architecturaux, même hiérarchie sociale alors qu’ils sont séparés par un immense océan. A l’origine, ces peuples auraient été créés par des matrices artificielles suite à des expériences menées par les annunakis : des reptiles à l’intelligence supérieure venus de l’espace. Elenghis s’est servie de ces matrices prohibées par les lois de Mu pour mettre au monde sa fille Gwendara.

Le livre prend, dès lors, tout son intérêt. Les thèmes abordés font écho à notre monde actuel avec, entre autres, les manipulations génétiques poussées, dans ce roman, à l’extrême :

« Ils faillirent dépasser un exemplaire unique de chimère, silencieux dans une cage isolée. Les grandes ailes de plumes blanches, ocre et beige leur évoquaient un rapace de belle taille. L’être se releva et déplia ses ailes. Ils découvrirent une tête humaine, un corps, des jambes. Le garçon paraissait tout à fait humain et âgé d’une dizaine d’années à l’exception de ces ailes impressionnantes issues de ses omoplates. Il leur parla d’une voix cristalline, avec des accents de tristesse et de résignation insupportables. »

Autres thèmes : l’opposition nord-sud, l’étude scientifique des capacités du cerveau : l’hémisphère gauche serait le siège de la logique froide, ici, propre aux Atlandes, tandis que le droit contrôlerait plutôt l’imagination, les émotions et la créativité propre aux Muriens, l’écologie :  les Muriens et les elfes respectent et protègent la terre Gaïa alors que l’Atlantide ne l’écoute pas et se voit constamment secouée par des volcans en éruption et des raz-de-marée.

Il reste la description des décors dépeints souvent avec poésie et douceur.

« La reine se laissa porter par les flots en admirant la voûte rocheuse au-dessus d’elle. A cette heure matinale, les rayons solaires pénétraient dans le trou en oblique et frappaient l’eau près d’une paroi. Le lac souterrain, d’une merveilleuse couleur émeraude, les réfléchissait en tache bleues mouvantes sur les murs, avec des jeux d’ombre autour des racines d’arbres. Et de stalactites emmêlées. Un silence solennel régnait dans le cénote rompu par la brasse d’Anzuma. »

D’autres mythes sont encore explorés : l’orichalque, métal dont les scientifiques n’ont pas encore percé le mystère, les crânes de cristal taillé d’une pièce comme par un laser et le pouvoir des cristaux.

Ce roman, riche en faits pseudo-scientifiques et mythiques, a pourtant failli me tomber des mains. Même si l’autrice m’a confirmé la coupe de scènes trop longues par l’éditeur, l’histoire stagne par moment. Quelques éléments dispersés apportent des renseignements sur la fameuse prophétie qui annonce la chute des deux civilisations comme la jalousie depuis l’enfance de Gwendara sur Serenwynn et l’ascension inéluctable du méchant mentor Ramon en Atlantide. Des évènements tragiques relancent l’histoire à la fin de ce premier tome, préambule à la guerre que vont se mener ces différents peuples. L’éditeur a ajouté, à la fin du volume, une liste des principaux personnages. Heureusement pour le lecteur qui risque de se perdre au fil des pages.

En conclusion, si la fantasy mythique ne fait pas partie de mon univers, ce livre contient tous les éléments susceptibles de plaire aux fans du genre. Il m’a donné l’envie de relire la BD d’Edgard P. Jacob : « Le Rayon U ». Adolescent, je l’aurais sans doute adoré. Aujourd’hui, il m’a assez intrigué que pour poursuivre l’aventure avec le deuxième tome.

Bernard Legois

Mu : L’ombre d’Atlantis, tome 1 / Agathe Flore, éd. Underground, 2018, 346 p. ISBN : 979-10-92387-73-5

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